Un désert vivant
De la piste qui relie le parc du Djawling à la route goudronnée, il reste 140 kilomètres à parcourir. Il est 16 heures et la lumière est superbe. Du fleuve Sénégal à la capitale Nouakchott, les belles dunes blondes se succèdent. Le désert est habité. Partout, à perte de vue, des tentes de nomades, des « hangars » servant de lieu de campement et des petites boutiques plantées dans le sable. Les dunes vives envahissent le goudron. Des murs de sable rappellent que le vent emporte du désert le sable nécessaire à la formation d’un cordon dunaire, indispensables à contenir l’océan Atlantique.
Le voyage est très confortable. Des kilomètres d’une route droite et peu accidentée. C’est la route des records, avec une moyenne horaire de plus de quarante kilomètres pour près de deux cents kilomètres parcourus par jour. Les pointes de plus de 60 km/h sont nombreuses. Un léger vent de face n’influence que très peu la progression. Des habitants partout. Et puis, à chaque arrêt, des curieux discrets et polis qui posent des questions intéressantes sur l’engin, son autonomie, son prix, les éventuelles adaptations à apporter pour une utilisation éventuelle dans le sable.
Il est passé 21 heures, lorsque le VEAH entre dans Nouakchott.
Cela va trop vite, bien trop vite mais c’est le principe de la démarche : réduire les distances à l’aide d’engins simples et légers. Montrer que l’on peut faire de longues distances avec peu de moyens : un véhicule de 40 kg, quelques batteries au lithium et une assistance humaine.
Dans les villes africaines, la circulation n’est pas plus dangereuse qu’à Bruxelles ou Paris. Il me semble que les gens sont moins égoïstes ici. Plus ouvert sur ce qui les entoure, plus spontanément curieux dans le respect de l’autre, avec un brin d’empathie qui les rend humains et vivants à leur façon.
Il est vrai que pour certaines raisons (annulation du Paris-Dakar officiel, meurtre de quatre touristes), la Mauritanie possède une image écornée. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un paradis terrestre, mais je déplore sincèrement cette image négative car j’estime que les Mauritaniens sont d’une correction qui devient d’une rareté évidente sous nos latitudes. À nouveau, j’apprécie, les longs échanges autour d’un thé avec des hommes sortis du désert. Nous débattons du futur, d’un monde sans pétrole avec un bon sens et un recul également devenu rare dans mon pays. Mon pays, là où les gens sont pressés au point d’en oublier de vivre, simplement de vivre et de jouir de plaisirs simples. Mon pays, où le confort personnel passe avant la santé de tous, avant les impacts environnementaux dus à l’activité humaine. Mon pays enfin où les gens vivent dans l’opulence et le confort sans le savoir, sans se rendre compte qu’ils consomment les ressources, sans tenir compte de l’hypothèque d’un avenir pour l’humanité. Je crains que seul un accident important ne puisse hisser les consciences à plus de réalisme. Nous disposons des moyens techniques, mais nous manquons singulièrement de pragmatisme et d’optimisme.
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